The Bear, Conversations with friends, Chair tendre
C'est la rentrée, et avec elle de bonnes résolutions. J'avais laissé Sérielle en friche pour suivre d'autres projets qui malheureusement allaient avec une connexion internet au mieux sporadique.
Pas l’idéal, vous l’admettrez, quand on est une avide téléspectatrice. Voici donc un nouveau départ, en cette rentrée sérielle franchement dominée par les dragons. On ne parlera donc ici ni de House of Dragons ni de Rings of power - même si évidemment, je regarde les deux séries, et que j’ai déjà formé une opinion sur les deux (comme de bien entendu)1. Les mastodontes écartés, place à des choses peut-être un peu moins connues.
The Bear (Disney+)
Carmy (Jeremy Allen White de Shameless version US) , jeune chef dans l’un des restaurants les plus prestigieux au monde, hérite de son frère le restaurant familial situé à Chicago, et tente de le remettre à flots. Dès le début, c’est le choc des cultures entre Carmy, formé à l’école (impitoyable) de la haute gastronomie, et l’équipe haute en couleur du restaurant de sandwich. Les relations sont tendues, et l’arrivée de Sydney, sous cheffe ambitieuse qui admire Carmy, n’est pas sans compliquer les choses. D’autant que la situation financière du restaurant est plus que précaire.
C’est mon coup de cœur de l’été. Si vous avez vu The Chef (2021), vous retrouverez l’atmosphère tendue de la cuisine d’un restaurant, constamment sur le fil, entre succès et échec. Bien sûr, la série prend à rebrousse-poil la culture machiste et militaire des cuisines professionnelles : Carmy comme Sydney ont été traumatisés par leur passage dans des cuisines de grands restaurants. Mais au-delà de la critique, The Bear est surtout une série sur la famille, celle dont on hérite, dysfonctionnelle à souhait, et celle qu’on se choisit, et le deuil. En 8 petits épisodes de 30 minutes, The Bear réussit l’exploit d’un récit riche, plein de nuances, et je ne vous parle même pas de toutes ces images de nourriture, qui rien qu’à elles valent le détour (et je ne mange pas de viande, donc c’est dire). Et la BO est parfaite (Sufjan Stevens est toujours un bon choix 😍)
Conversations with friends (Canal +)
Frances et Bobby sont étudiantes à Dublin, et anciennes amoureuses de lycée devenues meilleures amies. Alors qu’elles se produisent sur scène, elles font la connaissance de Melissa (Jemima Kirke, Girls), une écrivaine reconnue, puis son mari Nick, un comédien taciturne. Entre les quatre personnes se nouent des relations compliquées d’attirance réciproque, sexuelle autant qu’intellectuelle, qui culminent lors d’un séjour en Croatie.
Vous vous rappelez l’éblouissement de Normal people ? Alors on prend les mêmes et on recommence : Sally Rooney, qui collabore à nouveau à l’adaptation de son roman, Lenny Abrahamson (Room), qui réalise comme pour Normal people l’ensemble des épisodes, l’Irlande, et deux actrices quasi inconnues pour les rôles principaux. Bien sûr c’est réussi : c’est subtil, nuancé, les dynamiques de pouvoir et de classe sont toujours là, au second plan, mais jamais ignorées, surtout pendant les épisodes se déroulant en Croatie, et qui m’ont beaucoup fait penser au film La piscine. La série offre même une représentation rarissime de l’endométriose à travers le personnage de Frances. Alors évidemment, l’effet de surprise de Normal people est passé, mais Conversations with friends reste un jalon passionnant dans l’émergence d’une œuvre en forme un continuum entre le roman et l’écran.
Chair tendre (Francetv Slash)
Sacha (Angèle Metzger) arrive en cours d’année dans un lycée des Landes, après le déménagement précipité de sa famille, suite à l’agression qu’elle a subi. Car Sacha, assignée garçon à la naissance, découvre peu à peu ce que recouvre l’étiquette médicale qu’on lui a collée toute petite. Intersexe, elle se cherche en même temps qu’elle rencontre une nouvelle bande, un nouveau territoire et de nouveaux désirs, en même temps que sa famille apprend à composer avec ses changements, avec une maman un peu perdue mais de bonne volonté (Daphné Bürki), un papa qui a du mal à renoncer à l’idée d’avoir un fils, et une petite sœur, Pauline (épatante Saül Benchetrit) qui l’adore autant qu’elle jalouse son aînée.
Francetv Slash est le formidable laboratoire de France Télévisions pour héberger les fictions que le groupe est trop frileux pour proposer sur ses chaînes grand public. C’est dommage parce qu’au delà de l’évident travail de pédagogie que fait Chair tendre, il y a une vraie qualité formelle, bien souvent absente des fictions tradi : c’est beau, ça lorgne évidemment du côté de Virgin Suicides et d’Euphoria, c’est doux en abordant pourtant son sujet frontalement, et ça sort des sentiers battus en ne localisant pas son intrigue dans un milieu bobo parisien, mais dans un milieu populaire dans l’ennui infini des forêts landaises et des lotissements pavillonnaires. Une petite pépite à ne pas rater.
En bref
Malgré mes problèmes de connexion, j’ai regardé plein de choses que je vous recommande en vrac : sur Apple+, Severance (probablement la série de l’année dont j’aurais l’occasion de reparler), et Black Bird qui a temporairement rempli le vide laissé par l’arrêt de Mindhunter dans mon cœur, sur Canal+ la très bonne Yellowjackets et la mini-série This is going to hurt (si vous avez toujours envie d’applaudir les soignants à 20h), et des deuxièmes saisons qui valent toujours le détour : This way up, Only murder in the building (toujours un régal) et Ovnis.
Allez, je vous donne mes deux cents sur les deux mastodontes de la rentrée : contrairement à ce que j’avais imaginé, je me régale bien plus à regarder House of Dragons que Rings of power. La première renoue avec ce que je préférais dans Game of Thrones : l’intrigue politique et le complot à tous les étages. Alors oui, ça parle beaucoup et l’intrigue avance peu, le dernier épisode a clairement un problème de luminosité, mais c’est infiniment plus satisfaisant que le gigantisme de Rings of power, devant lequel je m’ennuie à mourir : c’est beau, c’est vrai, mais il y a trop de personnages, et pour l’instant aucun arc narratif convergent. C’est en en fait l’équivalent sériel du vol au vent : on préfère la bouchée à la reine, aussi désuète mais plus petite donc plus vite avalée.